Être maire face à l'ultraviolence

Lorsque je me suis engagé pour briguer le mandat de maire, c’était dans l’espoir de contribuer à mon humble niveau, à rénover, restaurer et dynamiser Limoges. Le sens politique général était celui de défendre l’idée d’un monde meilleur et d’une société plus juste. Aucune naïveté de ma part rassurez-vous. J’avais subi quelques évènements dramatiques et douloureux d’une vie professionnelle passée au service de mon prochain. Le serment d’Hippocrate est parmi les plus exigeants. Il vous forge une rigueur morale et intellectuelle qui ne vous laisse aucun répit, quelle que soit l’action professionnelle et personnelle que vous entreprenez.

Dans mon esprit, la représentation quotidienne de mes concitoyens en tant que maire était sans nul doute un sacerdoce, puisque cela exige de sacrifier beaucoup de temps de la vie familiale et personnelle De plus les interactions humaines du quotidien sont toujours source de complexité et les élus sont des cibles faciles. Mais en aucun cas, je n’imaginais que je pourrais être confronté à de l’ultraviolence. Ces comportements de haine destructrice qui ne distinguent plus la valeur de la vie humaine, qu’ils cherchent à anéantir, à coup de mortiers incendiaires et qui ne respectent pas les efforts de celui qui a travaillé dur pour financer sa voiture que l’on brûle sans vergogne après l’avoir violenté. Détruire pour détruire, l’autre, celui qui n’est pas du groupe. Sans avertissement, sans prétexte ou raison invoqués et sans excuses. Avec des moyens de plus en plus importants et dans une escalade de rage.

Cela dure depuis plus de 30 ans et s’aggrave de manière de plus en plus récurrente et de plus en plus violente au fur et à mesure que l’Etat dans ses fonctions régaliennes Police et Justice abandonnent l’exercice de la loi et avec le Département, toute prévention sociale.

Pour éviter les guet-apens lorsqu’une voiture brule, plus personne n’intervient, abandonnant le territoire aux voyous et les victimes. Les habitants du quartier sont terrorisés de peur.

Je vous garantis que je prie pour qu’il n’y ait pas de pertes humaines !

Et puis il y a le jour d’après. D’aucuns bien-pensants souhaiteraient tout effacer au plus vite comme si une vie normale était possible après ce déferlement de violence. L’omerta reprend ses droits. On sait, on a vu mais on ne veut rien dire en espérant que ça ne recommence pas de suite. Pourtant, depuis plus de 30 ans, au même endroit, les mêmes actes se renouvellent et s’amplifient. Les institutions se réunissent, partagent des constats. Et l’analyse s’arrête là…

Nous avons investi beaucoup d’argent public dans les Quartiers politique de la ville : dans la rénovation des immeubles, dans la restructuration des aménagements urbains mais aussi dans la politique sociale, qu’il s’agisse d’aide d’urgence ou de politique éducative et de médiation. Cet été plus de 500 activités sont proposées aux jeunes…Plus de 650 millions d’euros sont mobilisés pour désenclaver ces quartiers laissés à l’abandon depuis plusieurs décennies. Mais quand on installe des équipements nouveaux, qui plaisent à la population, on les brûle ?!

Sans présence policière nationale pérenne et sans justice rapide efficace il ne pourra y avoir d’efficience de la prévention et du socio-éducatif déjà mis en place. Là où règne la terreur la république disparaît. Là ou les lois de la République sont absentes, les maires ne peuvent rien malgré tous les efforts accomplis.

En tant que maire, oui je me sens démuni car bien que garant de l’ordre public, et malgré tout ce que nous avons mis en place (350 caméras de vidéo protection, 80 policiers municipaux, 16 postes d’ASVP sécurité tranquillité, médiateurs …), je ne suis pas en charge de la gestion des désordres à fortiori criminels. En tant que docteur en médecine, psychiatre, et ancien chercheur, je ne peux que m’interroger sur le comportement de ces groupes organisés, outillés, déterminés à en découdre avec les forces de l’ordre et plus généralement avec tout ce qui représente la République. De plus, ils sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Ce sentiment d’impunité n’étant pas inné, il est forcément inculqué par d’autres, dépourvus de scrupules.

J’invite tous les citoyens à lire le rapport « Protéger les enfants contre l’exploitation criminelle » de l’UNICEF (dont la ville est membre) publié ce 30 juillet. Il explique en partie les problèmes auxquels nous sommes confrontés, comment on exploite et on entraine des jeunes à entrer dans la délinquance et la violence.

Alors on m’a fait un procès en sorcellerie car j’ai employé le mot « éthologie » comme fondement de ma réflexion.  C’est la base fondatrice de sujets de réflexion et de compréhension des comportements en psychiatrie de l’enfant. La méconnaissance, même chez un professeur de droit, serait-il socialiste, ou de la part de nombrilistes, ne justifie en rien cette déformation virale de mes propos, digne de la grande époque du stalinisme.

A défaut d’un début d’analyse collective partagée et assumée par les responsables publics, je continuerai à réfléchir aux causes et aux pistes de solutions. L’éthologie est une discipline enseignée en psychologie. Tous les étudiants en psycho y sont sensibilisés. Elle ne consiste pas en l’étude des troupeaux ou à considérer des hommes comme des bêtes, comme on a voulu me le faire dire, mais il s’agit de «comprendre comment, à partir de ses états mentaux et de ses représentations, un individu élabore ses conduites». L’effet de groupe s’y rajoute et amplifie les perceptions comme il désinhibe aussi. Alors oui j’utilise mes connaissances médicales pour analyser ces faits alors qu’aujourd’hui aucune étude sérieuse ne vient expliquer ces phénomènes de société de manière systémique et définitive. Ils se dupliquent ailleurs et se répondent en écho. Donc Limoges n’est pas un cas isolé.

Je lis aussi régulièrement. Nombre de chercheurs ont produit des essais sur la violence. J’encourage tous ceux qui m’ont calomnié ces derniers jours à lire Michel Maffesoli. Il a beaucoup écrit sur la violence mais aussi sur ce qu’il appelle les « totems de rassemblement ». Il y a des facteurs attractifs/répulsifs, des valeurs d’identité, des évolutions sociologiques et éthiques, etc.. qui peuvent constituer des débuts d’explication à ces regroupements mortifères.

Quoiqu’il en soit, que l’on manifeste contre mes propos, mal compris, tronqués ou surinterprétés, le sujet qui devrait tous nous concerner est bien de faire cesser ces actes insupportables de guérilla urbaine. J’aurais compris que l’on manifeste contre la violence et les émeutes. Ce que je peux en dire n’engage que moi. Mais j’entends surtout le ras-le-bol de nos concitoyens. J’ai reçu énormément de messages dans ce sens et de soutiens.

La sécurité individuelle et collective n’est pas négociable, elle est due à chacun. Cela reste ma priorité, c’est le devoir de l’état dans ses responsabilités sécuritaires et judicaires, avec le département pour ce qui est de la protection maternelle et infantile. Nous avons mis tout le reste en place, nous vous attendons !

Depuis 2 ans socialistes et LFIstes refusent de nous aider à organiser la prévention, alors de grâce cessez de parler d’actions communes quand vous avez participé au grand abandon pour mieux manipuler.